Plonger avec un photographe

Publié le par alcarino

 
Quand je vois un photographe sous marin arriver sur le bateau, j’ai les poils qui se hérissent (puisque mes cheveux ne peuvent plus se dresser) et je n’ai de cesse de savoir comment ne pas plonger avec. J’évite assez souvent de lui parler d’ailleurs, pour être sur qu’on ne va pas nous proposer de faire équipe ensemble.
 
Je ne parle pas du plongeur qui a acheté un appareil numérique et un boitier étanche. Celui là n’est pas trop gênant. Il fait ses photos comme moi je prends des photos dans une soirée entre potes, et parfois, il en sort de superbes.
Non, je parle du gars qui arrive avec un gros boitier, souvent orange, complété d’un objectif qui n’a rien a envier au nez de Cyrano, et encadré par deux bras porteurs de flashs qui donnent au tout l’allure d’un vaisseau du Capitaine Némo.
J’ai même vu un jour un de ses sous mariniers débarquer avec deux valises métalliques ; j’ai cru qu’il allait sortir un télescope!

Pourquoi l’artiste subaquatique provoque-t-il une telle défiance de ma part ?
Tout d’abord parce qu’il prend une place folle sur le bateau. Il faut qu’il étale son matériel partout ; il occupe toute la place dans le baquet d’eau douce avec son appareil arachnoïde ; il lui faut 10 mètres carrés pour tout assembler avant la plongée. Lorsqu’en plus il a mentionné le prix de son équipement, généralement avec une nuance de menace dans la voix, c’est fini, on ne s’approche plus à moins d’un mètre, ce qui réduit encore l’espace vital.

 Maintenant la mise à l’eau. Une fois que Cartier Bresson est dans l’eau, il faut qu’un pauvre gars du coin, qui doit gagner en une vie la moitié de ce que coûte tout ce bastringue, le passe avec toutes les précautions qu’on prendrait pour un demi litre de nitroglycérine. Et bien sûr, les autres plongeurs doivent éviter de perturber la manœuvre. Alors on est priés d’aller s’habiller ailleurs….

Une fois sous l’eau, c’est le cauchemar. Dès qu’il y a un petit truc intéressant, le Doisneau des océans accapare le coin. Les palmes bien posées sur le corail environnant, quand il n’est pas carrément couché dessus, il commence par envoyer les watts dans la tronche du pauvre crustacé. Ensuite il mitraille comme un malade, ce qui lui prend une bonne paire de minutes. Pendant ce temps là, les autres plongeurs attendent en pompant leur air….Enfin, il se décide à laisser les autres profiter de ce qui reste de la bestiole devenue aveugle et brûlée au septième degré. Mais quand même, parfois, il lui met un dernier coup de palme sur la tête avant de filer, sans le faire exprès... enfin j'espère! Et si vous êtes sur un muck dive, le nuage qu’il soulève va tout juste vous laisser une visibilité à la David Hamilton un jour de brouillard.

Pour la ballade, il est aussi impossible d’oublier notre compagnon. Avec tout son attirail, il est sans arrêt à la traine, ou alors il s’oublie dans un coin, et on doit le chercher partout. De temps en temps, il vous arrive dans le dos alors que vous étiez en train d’admirer un beau nudibranche, et vous bourre jusqu'à ce que vous lui laissiez la priorité qui revient de droit (d’après lui) aux chasseurs d’images sous marines. Attention quand même à ne pas trop résister, j’ai vu des débuts de querelles commencer sous l’eau (je te pousse, tu me pousses, on se pousse), et manquer de terminer en pugilat après des échanges de propos acerbes sur le bateau. Tout ça pour une sole assez moche, à peine visible sous le sable. La plongée ca détend, mais ca ne protège visiblement pas contre la connerie.

Pour finir, sachez aussi qu’être buddy d’un photographe, c’est un peu comme plonger en solo. « Toto la photo» est bien trop occupé à regarder dans son viseur pour s’occuper de savoir ou vous êtes et si vous allez bien. J’en veux pour preuve une de mes dernières plongées a Paradise Reef (rien que le nom, ça fait baver !), où j’ai soudainement senti quelqu’un me tirer assez frénétiquement sur le bras. C’était une femme qui plongeait avec un photographe, et qui n’avait plus d’air. Mais comme son artiste plongeur était concentré sur les petites bêtes, avec le guide qui lui tenait les gorgones bien droites pour que ca fasse bien joli, elle s’était un peu éloignée. Je la comprends, elle avait dû bien s’ennuyer pendant une heure (voir «  Une fois sous l’eau »). Mais quand elle a commence à suffoquer, il n’y avait personne pour s’en rendre compte. Heureusement qu’on trainait par là….On a pas hésité à secourir la belle en détresse, selon la formule consacrée qui ne reflète pas la réalité, comme j’ai pu m’en rendre compte après. Mais je m’égare.

Donc, je n’aime pas plonger avec les photographes. C’est pourquoi je n’hésite pas à demander au Divemaster de ne pas me mettre dans la même palanquée qu’un de ces phénomènes. Et je vous suggère de faire de même si vous ne prenez pas de photos sous l’eau.

Ceci dit, je suis bien content de voir des belles photos dans les magazines de plongée, et il faut bien que quelqu’un les prenne. Mais c’est comme quand je mange un gigot d’agneau, je ne veux pas penser à la façon dont c’est arrivé jusqu'à moi. Plus sérieusement, il y a des pros qui font le travail en respectant les fonds et les gens. Mais il y a surtout une quantité de «  wannabe » qui feraient mieux de bosser leur buoyancy et leur palmage que leur cadrage.

Une dernière goutte de fiel pour laisser une bonne impression. Je n’ai vu que des hommes dans la peau des Helmut Newton des abysses. C’est le côté «z’avez vu mon gros bazar » qui veut ca ?

Et  puis tant que j'y suis, j'ai décidé de n'illustrer cet article qu'avec des photos de gens  prises sur la terre ferme!
Une revanche en quelque sorte!
 
 
 

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N
c'est tellement vrai toutes ces remarques vachardes ! et je prends aussi des photos, mais juste avec le "petit caisson rouge", pas le monstre bardé de bras. une solution que j'ai adoptée : prendre quelques clichés, passer son tour, laisser les autres apprécier le spectacle, et revenir quand la cohue est passée/<br /> mais je crois qu'il y a encore pire que le photographe : il ya celui qui filme. car en plus il lui faut l'action ! cela dit je rentre de komodo où j'ai plongé avec un couple d'anglais qui ne se la pétaient pas, malgré leur matos impressionnant/  on n'est pas tous des monstres... en ce qui concerne étienne lheureux, je suis partie avec lui en croisière (pas de plongée) dans les petites iles de la sonde, je vais rechercher son contact à la maison. à plus, nathalie/
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A
Merci de ton commentaire et de tes remarques Hervé. Il est vrai que cet article est fait pour faire réagir, même si tout ce qui y est écrit est du vécu!Néanmoins, je te l'accorde, il y a plein de photographes tout à fait zen en plongée et qui respectent l'environnement autant que les plongeurs qui les accompagnent. Pour preuve, j'en connais un qui est celui qui a fait 80% des photos de ce blog et qui est un parfait gentleman underwater. C'est comme ça qu'on les aime chez Absolute Divers.
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H
Rhetorique execellente voir jubilatoire. tout ce que tu écris sent le vécu, que ce soit sur les photograhes ( et je le suis ) que sur les plongeurs de nationalités diverses. la bande de photographes fou furieur avec laquelle je mouille mon  "gros bazard" a la chance de pouvoir se la jouer indépendant histoire de pas faire chier les palanquées de clubs.<br /> Sauf sur qqls épaves profondes ou les structures club nous emmènent et nous facilitent la vie ( on part en premier ). et la bingo...<br /> toutes les autres palanqués qu\\\'on croise sur le retour et qu\\\'on choute histoire d\\\'avoir de l\\\'humain en ombre chinoise sur la tolle gorgonée n\\\'ont de cesse apres la plongée, d\\\'avoir notre mail et de nous donner le leur au cas ou, si on est tres sympa, on peut leur envoyer qqls clichés. je peux te jurer que je me suis fais plein de potes " plongeur non photographe" avec des photos d\\\'épaves et leur beau minoit, pleine de particules, qui ne valaient même pas un tirage 10*15.<br /> en tout cas, merci pour ton site et ton "humour" et à la santé des "Fédés" qui ont du mal a passer au numérique. <br /> hervé
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F
Super ! est-ce que je peux copier ce texte dans mon blog sans les photos ? ces quelques vérités permettront à certains copains photographes de se replacer dans leurs comportements
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P
J'ai trouve l'article sur les photographes sous-marin absolument desopilant (...et je me suis a moitie reconnu).<br /> Bonne continuation !<br /> Pierre
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